Début août, j’ai passé 3 jours d’initiation à l’apnée en mer à la BlueneryAcademy, à Villefranche-sur-Mer. J’en rêvais depuis presque 2 ans (merci aux amis qui m’ont offert cette incroyable expérience pour mon anniversaire).
À la question « c’était comment ? » je ne peux pas répondre « génial ». Parce qu’honnêtement cela m’a secouée.
En 3 jours, j’ai repris contact avec l’animal apeuré en moi, j’ai chatouillé le menton du dragon des profondeurs : j’ai eu peur, j’ai ressenti des joies intenses. Bref, c’était une expérience bouleversante.
Depuis plus de 7 ans maintenant je plonge avec la régularité du métronome dans mes profondeurs grâce à la voix, à la respiration, à la méditation, à l’improvisation vocale, à la danse… Mais quand j’arrive à Villefranche-sur-Mer, je réalise que je ne me suis jamais confrontée aux profondeurs de l’océan : je n’ai jamais fait de plongée. Et je viens seulement de découvrir le snorkeling deux semaines auparavant.
Alors pourquoi avoir décidé de m’initier ? Pourriez-vous légitimement vous demander… Parce que dans le cadre de ma pratique du Souffle-voix, je fais de l’apnée « à sec » et que je sais les bienfaits sur mon système nerveux et ma respiration : c’est magique comme cela me relaxe et clarifie mon esprit. Parce que j’ai écouté des conférences de Guillaume Nery : ce qu’il dit des états qu’il touche en apnée en mer m’a fait très envie. Enfin, parce que je ne veux pas m’interdire quelque expérience que ce soit, sous prétexte que cela me fait peur. Tout ce qui est nouveau me fait toujours un peu (ou très) peur au début. Mais souvent, je m’acclimate et mes peurs s’apaisent. Il suffit juste que je me laisse du temps et que je sois bien accompagnée. Or, je sais qu’à la Blueneryacademy, l’esprit est plus contemplatif et expérientiel que compétitif.
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J’aborde le premier jour avec la joie de découvrir les beautés de Villefranche, et une légère appréhension. Nous sommes une douzaine à nous retrouver à 8h45. Après le briefing et une petite dose de théorie, nous enfilons péniblement mais joyeusement nos combinaisons de 5 millimètres d’épaisseur. Nous récupérons masque-tuba-ceinture plombée, dont nous nous équiperons avant d’aller à l’eau. Les moins novices d’entre nous prennent des palmes. Et hop, sur le bateau, vers l’inconnu et au-delà !
En quelques minutes nous rejoignons la zone de plongée sous un soleil de plomb. Durant l’installation des 3 séries de bouées de travail et de repos, nous enfilons ceintures-marsques-tubas-palmes. La douzaine que nous sommes se met à l’eau et s’organise par grappe de 4 : un instructeur et 3 apprentis. Durant 1h30 nous plongerons chacun 6 ou 7 fois, par rotation.
C’est mon tour. Depuis la bouée de repos, je rejoins Thibaut. La chorégraphie est simple :
4 ou 5 cycles d’inspiration/rétention/expiration en se relaxant au maximum. Une dernière inspiration profonde – ventrale et thoracique – une compensation préventive, et c’est parti ! Enfin c’est l’idée. Sauf qu’à peine ma tête sous l’eau, je flippe. Je me crispe. Je descends de quelques pénibles centimètres et me heurte à la difficulté de compenser.
Je remonte, je reprends mon souffle pleine de désarroi. J’écoute Thibaut, mon instructeur, qui sent très bien ce qui se passe pour moi. Un tour, deux tours, trois tours à me débattre pour calmer ce monkey mind qui hurle quasiment tout en même temps dans ma tête :
« Wahou c’est bleu, c’est profond, c’est beau, c’est flippant ! » / « Mais vazy, enfin ! Go ! » /
« On s’en fout, kiffe et relaxe » / « Surtout n’ouvre pas la bouche en compensant ! » /
« Haaaa, tu vas être avalée par le fond ! » / « Ho, un poisson ! Qu’est-ce qu’il fait là ? » /
« Tu sens quoi là ? C’est quoi cette sensation là dans la gorge ? C’est ok ? C’est ok ? C’EST OK ? » / « J’ai un peu d’eau qui vient de se glisser dans le masque ! J’AI DE L’EAU DANS LE MAAAAAAAASQUE ! »… La partie n’est pas gagnée.
Et puis au 4e tour, ça y est ! Je viens de passer les 15 dernières minutes à me laisser flotter dans l’eau en effectuant des cycles de respiration profonde. Je suis enfin plus relaxée. Concentrée, bouche fermée, je m’immerge. Je relâche la mâchoire, la glotte, le visage, les épaules. Et je descends le long du filin. Mes gestes sont plus lents. J’ose pendre le temps malgré la peur de manquer d’air. Un bras après l’autre, penser à compenser. Penser à relâcher à l’intérieur comme à l’extérieur. Faire silence. Ressentir le silence. Prendre le temps. Un bras après l’autre. Je fais confiance à mon corps : j’ai tout ce qu’il faut pour rester sous l’eau sans respirer un bon moment. Même si je perds la notion du temps.
Accrochée au filin à quelques mètres sous la surface, je me pose enfin. Mes oreilles font un peu mal. Je n’ai pas encore trouvé la bonne clé pour compenser correctement. Mais ma mâchoire, mon ventre et mon esprit se relaxent ensemble, enfin. Une plénitude. Les sons, la lumière, le bleu sans fin, la surface de l’eau au-dessus de moi et les autres autour comme des sirènes… Tout est neuf, et tout est sauvage, libre continent sans rivage (vous avez la réf. ?)… Je regarde, j’emmagasine, je me coule. C’est fou. Et c’est bon. Durant quelques secondes, la préoccupation de respirer disparait totalement. À ma grande surprise, je suis simplement bien là. Très bien même.
Je remonte tranquillement nourrie de cette découverte au petit « goût de reviens-y ». Ça ressemblait fort à la paix profonde dont tous les apnéistes témoignent. La suite de ce premier jour sera néanmoins une série de cafouillages à la recherche de cet instant magique. Cependant, la graine est plantée.
Sur le bateau en rentrant, j’essaye de comprendre ce qu’il se passe, ce qui est si nouveau pour moi. Lorsque je suis sur terre, et que j’ai peur, j’ai 3 stratégies dont aucune ne peut fonctionner sous l’eau : pas de sol pour relier mes pieds, pas d’inspire et d’expire pour relâcher, pas de chant ni de mots pour exprimer. Or sous l’eau, mes deux plus grandes peurs sont là, pas même en embuscade, mais bien assises sur mon plexus et ma rationalité. Me noyer et perdre la tête. La seule option : les embrasser en descendant le long du filin et espérer qu’elles se dissolvent d’elles-mêmes.
J’aborde le jour 2 avec l’envie de descendre plus loin. Je m’immerge et m’accroche à la bouée de repos. Je sens déjà que j’ai trop de voix dans ma tête. Cette fois-ci c’est Arthur qui m’accompagne. Et c’est mon tour. Chorégraphie respiratoire, immersion et… je perds les pédales. Chaque essai amplifie mes peurs. Impossible de compenser. C’est la lutte entre l’envie de retrouver du calme et le désir de faire plus qu’hier. Je remonte chaque fois un peu plus frustrée… mais absolument pas essoufflée. J’en ai toujours et encore sous le pied, je le sais, je le sens. Cela m’agace vraiment. Compenser est une gageure. Cela dit, c’est beau de voir les autres onduler comme des sirènes. C’est beau les poissons autour, le rivage tout près. J’ai envie. Et je comprends que je n’arrive pas à compenser parce que je n’accepte pas encore ce contact avec la profondeur insondable de l’océan.
En fin de session, j’emprunte une paire de palmes et m’offre quelques minutes délicieuses : en apnée, totalement relaxée, sans autre objectif que le plaisir j’évolue au milieu des poissons. À l’écart du groupe, j’explore l’eau, la vitesse, de longues rétentions confortables. Un mix de flow, de liberté et de confiance. J’ai l’impression de voler.
En déjeunant solo après cette session, je fais le point. J’écris. Je pleure doucement. J’accueille. C’est tellement difficile de me sentir vulnérable. Demain c’est le jour 3, et le dernier. Je dors mal et trop peu. Je sais cependant que la fatigue peut jouer en ma faveur en m’aidant à lâcher prise, à m’en foutre vraiment. Alors je me lève confiante. En marchant vers la Darse, je décide de me ficher la paix, et de la profondeur. J’en suis au commencement d’un processus que je ne contrôle pas. C’est ainsi.
Ce matin du 3e jour, ce sera avec Ilaria. Je la regarde évoluer dans l’eau : l’impression d’être un bébé apnéiste observant une sirène. Je laisse tomber les comparaisons et reviens à mon barbotage. Ce matin, je n’attends rien d’autre qu’apprendre à compenser et apprivoiser les sensations lorsque je suis à 2 mètres de profondeur. Ce sera bien suffisant. Au bout de 4 ou 5 essais, je sens que je tiens une micro mouvement qui soulage mes oreilles quand je descends le long du filin. En fait, je me sens ok pour descendre. Je m’acclimate. Je me laisse avaler. J’ai dépassé les 2 mètres et mes oreilles s’adaptent ! J’ose m’abandonner de nouveau au coeur de l’océan.